L’organisation mondiale de la santé recommande moins d’une heure d’écran par jour avant cinq ans, alors que certains enfants y passent déjà plus de deux heures quotidiennement dès la maternelle. Les parents reçoivent des consignes contradictoires, oscillant entre interdiction stricte et tolérance encadrée, sans feuille de route claire.
Des chercheurs observent que l’interdiction totale ne réduit pas forcément l’attirance pour les écrans, mais qu’une négociation ouverte sur les usages favorise la responsabilisation. Les échanges familiaux sur le sujet se révèlent souvent tendus, ce qui complique la mise en place de repères stables et partagés.
Pourquoi les écrans fascinent autant les enfants aujourd’hui ?
Impossible d’ignorer l’emprise des écrans sur le quotidien des enfants, qu’ils soient à l’école ou à la maison. Ce n’est pas simplement la profusion de contenus qui attire, c’est surtout la manière dont le numérique capte et retient l’attention. Jeux vidéo, réseaux sociaux, TikTok : tout est conçu pour piquer la curiosité, offrir de nouveaux types d’interactions et multiplier les possibilités.
Une vidéo à visionner, une partie de jeu vidéo à rejoindre, une conversation sur une messagerie ou la découverte d’une application éducative : chaque usage a sa place, selon l’âge et le développement de l’enfant. Voici pourquoi ces pratiques sont si attractives :
- Apprendre autrement : les applications éducatives et vidéos pédagogiques ouvrent un accès direct à l’information et au savoir ;
- Créer du lien : sur les réseaux sociaux, les enfants échangent, forment des groupes, partagent émotions et expériences ;
- Jouer, tester, recommencer : les jeux vidéo offrent des univers où l’on construit, expérimente, se trompe puis retente sa chance.
La présence massive des écrans dans la vie de famille n’est pas le fruit du hasard. Les enfants observent les adultes, cherchent à leur ressembler, ou veulent simplement faire partie du groupe. Les écrans sont partout, disponibles à tout moment : ils deviennent aussi bien un moyen de socialiser qu’un refuge contre l’ennui ou la solitude.
Le statut d’objet de convoitise s’explique aussi par la capacité du numérique à proposer des expériences sur mesure, ajustées à chaque instant. Dès lors, la question n’est plus de savoir si les enfants utilisent les écrans, mais plutôt comment les accompagner dans ces usages et saisir ce qui les motive vraiment.
Ce que dit la science sur les effets des écrans selon l’âge
Les études sont formelles : une surexposition aux écrans très jeune perturbe le développement de l’enfant. Les équipes dirigées par Sylvie Dieu Osika, pédiatre et membre du collectif surexposition aux écrans, alertent sur la hausse des troubles du comportement et du sommeil chez les petits. Avant trois ans, le cerveau a besoin d’interactions humaines et de stimulations concrètes. Trop d’écrans, et c’est l’apprentissage du langage qui peine, le risque d’isolement social qui grimpe.
À l’école primaire, la Fondation pour l’enfance, avec le soutien de Santé publique France, a relevé une progression des difficultés de concentration, de l’anxiété et, parfois, de symptômes dépressifs. Le manque d’encadrement parental et l’absence d’échanges renforcent ces effets nocifs, comme le rappellent régulièrement les professionnels. Olivier Duris, psychologue clinicien, insiste : quand l’écran remplace la parole, la relation parent-enfant se fragilise, les repères affectifs vacillent.
Chez les adolescents et préadolescents, le risque d’addiction et d’isolement grimpe, surtout via les réseaux sociaux et les jeux en ligne. Les enquêtes IFOP, relayées par l’AFPA et mpedia, notent une vraie corrélation entre usage intensif et troubles anxieux, mais aussi des conséquences directes sur la santé physique : moins d’activité, mauvais sommeil, alimentation déséquilibrée. Le manque d’interactions parents-enfants pèse lourd dans la balance.
Dialoguer sans dramatiser : astuces pour une discussion sereine en famille
Parler des écrans avec ses enfants sans tomber dans la crispation, cela demande de l’habileté. La peur d’un usage excessif ou des conséquences sur le développement de l’enfant pousse parfois à dramatiser. Pourtant, un dialogue calme, ouvert, ancré dans des exemples concrets plutôt que dans la peur, porte davantage ses fruits.
Préférez une conversation équilibrée, où l’on partage aussi bien ses propres usages numériques que ses doutes. Les enfants retiennent davantage la cohérence familiale et l’exemplarité parentale que les discours moralisateurs. Discutez ensemble des apports des écrans : accès à l’information, apprentissage, lien social, mais aussi des risques : sommeil perturbé, baisse de concentration, technoférence parentale. Cette intrusion silencieuse des écrans dans la relation, chez les adultes comme chez les enfants, s’installe insidieusement.
La culpabilité n’a rien à faire ici. Les professionnels de santé, les ateliers de prévention et les ressources en ligne offrent des pistes concrètes pour avancer, sans jugement. Utilisez ces relais pour étoffer votre argumentation et désamorcer les tensions à la maison.
Voici quelques pistes pour installer un dialogue constructif :
- Démarrez par des questions ouvertes, invitez votre enfant à dire ce qu’il ressent face aux écrans.
- Misez sur les temps d’interactions réelles : repas sans téléphone, jeux communs, escapades en plein air.
- Rappelez que le cadre protège sans jamais couper la parole.
Mieux que des règles à la chaîne, l’écoute active et des repères partagés développent l’esprit critique et renforcent la complicité familiale.
Des repères concrets pour fixer des règles et accompagner au quotidien
Définir l’usage des écrans avec son enfant n’a rien d’un mode d’emploi universel. L’équilibre s’ajuste, jour après jour. La règle dite 3-6-9-12, mise au point par Serge Tisseron, donne quelques repères : pas d’écran avant 3 ans, pas de console avant 6 ans, Internet accompagné dès 9 ans, réseaux sociaux après 12 ans. Mais rien n’empêche d’adapter selon la maturité de chaque enfant et la réalité du foyer.
L’accompagnement parental passe aussi par des outils concrets : le contrôle parental sur téléviseur, tablette ou smartphone limite l’accès à certains contenus et définit des temps de pause. Les ressources comme le site « Mon enfant et les écrans » de l’UNAF sont précieuses pour bâtir un cadre cohérent. Privilégiez les alternatives : sorties, jeux de société, activités sportives, lecture, musique, arts… Offrez un éventail d’expériences en dehors du numérique, encouragez la créativité et la diversité.
Le dialogue demeure indispensable pour prévenir les risques de cyberharcèlement ou d’isolement social. Parlez sans détour de la vie en ligne, du respect de l’autre. Les enfants doivent sentir qu’ils peuvent parler s’ils rencontrent un problème. Les règles ne servent qu’accompagnées d’une éducation au numérique, d’explications adaptées et accessibles.
Pour installer des repères au quotidien, quelques leviers font la différence :
- Fixez ensemble des moments sans écran, par exemple lors des repas ou avant de dormir.
- Encouragez votre enfant à partager ce qu’il découvre dans le numérique, ouvrez la porte au dialogue.
- Maintenez la cohérence entre adultes pour instaurer un climat de confiance solide.
Accompagner les enfants face aux écrans, ce n’est pas avancer à l’aveugle : c’est inventer, chaque jour, de nouveaux repères partagés. À chacun de tracer sa route, entre vigilance, confiance et dialogue.


